Lionel Robert , Mis à jour le
Article réservé aux abonnésTransformé en œuvre d’art par la grâce de Julie Mehretu, plasticienne contemporaine, cet engin court pour la victoire ce week-end au Mans à l’occasion de la 92e édition de la mythique course d’endurance.
"Je ne pense pas à cette voiture comme à quelque chose que l’on puisse exposer, mais comme un bolide qui va courir au Mans. C’est une œuvre performative. » Ainsi s’exprimait Julie Mehretu, le mois dernier, lors de la révélation de son « tableau roulant » au Centre Georges-Pompidou à Paris.
Publicité
La suite après cette publicité
À lire aussi Bentley : l’art de l’automobile
Dotée d’un coup de pinceau aiguisé comme un scalpel, l’artiste new-yorkaise n’a pas tremblé au moment de concevoir la 20e BMW Art Car de l’histoire, presque cinquante ans après la première, imaginée par Alexander Calder sur une idée originale du célèbre commissaire-priseur Hervé Poulain.
Sélectionnée en 2018 par un jury d’experts en art contemporain, cette plasticienne hors norme s’est nourrie de son expérience vécue aux 24 Heures de Daytona, le pendant américain de l’épreuve mancelle, où elle a pu rencontrer designers, ingénieurs et pilotes, pour saisir l’âme de la compétition automobile avant de laisser libre cours à son imagination fertile.
Je ne connaissais pas l’histoire des Art Cars et je ne suis pas issue du monde du sport automobile
Julie Mehretu
Prendre la suite de personnalités aussi marquantes que Frank Stella (1976), Roy Lichtenstein (1977), Andy Warhol (1979) ou Jeff Koons (2010) avait de quoi impressionner la lauréate du prix MacArthur 2005. Il n’en a rien été. Il suffit de promener un court instant le regard sur la carrosserie de cette BMW prête à bondir pour comprendre à quel point la peintre star de sa génération a visé juste. « Je ne connaissais pas l’histoire des Art Cars et je ne suis pas issue du monde du sport automobile, confie-t-elle. Mais j’ai tout de suite pris la mesure de cette épreuve. J’ai intégré à quel point Le Mans était une course à part, et donc une formidable source d’inspiration ».
![Une Hyper Art Car en course aux 24 heures du Mans (1) Une Hyper Art Car en course aux 24 heures du Mans (1)](https://i0.wp.com/resize-parismatch.lanmedia.fr/r/375,,forcex/img/var/pm/public/media/image/2024/06/14/14/sc_juliemehretu_bmw_race.jpg?VersionId=TSf48A6nzut_8iKxSvqEp3yup6RnD5TL)
Pour la 7e fois, en effet, une BMW transformée en œuvre d’art prendra part à la compétition, mais ce sera la première fois dans la catégorie reine dite des Hypercars. Propulsée par un V8 4 litres associé à un moteur électrique, la bête de circuit développe 640 ch et revendique une vitesse de pointe de 345 km/h. Cette BMW M Hybrid V8, selon l’appellation officielle, aura naturellement pour objectif de succéder à la BMW V12 LMR, la dernière à avoir fait triompher l’écurie bavaroise dans la Sarthe il y a… vingt-cinq ans.
La suite après cette publicité
La voiture portera le numéro 20
Si le mouvement et l’énergie ont toujours été au cœur du travail de Julie Mehretu, c’est la première fois qu’elle travaillait sur un format tridimensionnel tel que cette voiture de course. Or sa capacité à retranscrire la notion de vitesse et à donner du dynamisme à la forme a bluffé les observateurs les plus aguerris. Pour la conception de la 20e Art Car, l’artiste a transposé la magie d’une œuvre récente sur la carrosserie : « Je me suis dit : “Que se passerait-il si la voiture traversait ce tableau et en était imprégnée ?” J’avais l’image de la peinture s’écoulant jusque sur la calandre… »
Conformément au règlement de la Fédération internationale de l’automobile, un pelliculage recouvrant l’intégralité de l’Hypercar BMW a été appliqué pour lui permettre de disputer la course. Elle portera le numéro 20 et, dans les tribunes, ce week-end, Julie Mehretu sera bien présente pour encourager son œuvre roulante.
Julie Mehretu
LE GÉNIE DU CONTRE-PIED
![Une Hyper Art Car en course aux 24 heures du Mans (2) Une Hyper Art Car en course aux 24 heures du Mans (2)](https://i0.wp.com/resize-parismatch.lanmedia.fr/r/375,,forcex/img/var/pm/public/media/image/2024/06/14/14/sc_m15_bmw_art_car_julie_ret-1.jpg?VersionId=9y2gAueb3AUrP.pntmNrS8v06C1ICMsj)
Africaine par son père, américaine par sa mère, Julie Mehretu se nourrit de contrastes dans sa vie personnelle comme dans son activité artistique. Née à Addis-Abeba en 1970, elle obtient, en 1997, un master en beaux-arts à la Rhode Island School of Design, vingt ans après que sa famille a fui l’Éthiopie pour le Michigan. Installée à New York depuis le début de sa carrière, elle se fait connaître par ses peintures grand format créant des images abstraites à partir d’illustrations architecturales. Elle expose régulièrement à la Marian Goodman Gallery, à Paris. Chacun de ses tableaux se compose de nombreuses couches fines de peinture dans un style alternant futurisme et constructivisme. Parmi ses œuvres majeures, on peut citer la gigantesque peinture murale habillant le hall d’entrée de la tour Goldman Sachs ou «Walkers with the Dawn and Morning» (2008), une toile vendue 10,7millions de dollars chez Sotheby’s, l’an passé. Un record pour une artiste née en Afrique