GOOD ONE | Critique du film d'India Donaldson (2024)

Une jeune femme de 17 ans accepte de randonner en forêt avec son père, et un vieil ami de celui-ci. Nulle grande révélation, nul grand trauma, mais les hommes pèsent de plus en plus. La fille, jusqu’alors considérée comme la « good one », l’enfant sans problème, encaisse puis n’y arrive plus.

Critique du film

Après un passage remarqué à Sundance au début de l’année, Good one, écrit et réalisé par India Donaldson, a eu les honneurs d’une présentation (inespérée pour son auteure) à la Quinzaine des Cinéastes. Ce premier film, produit avec des moyens modestes, suit la jeune Sam, 17 ans, alors qu’elle s’apprête à partir à la fac dans quelques mois. Un peu contre son gré, elle accepte de passer un week-end prolongé avec son père avec qui elle aime partir en randonnée depuis son plus jeune âge. «J’aurais aimé être quatre, mais trois fera l’affaire» déclare Matt, l’ami de son père qui devait venir accompagné de son fils, avec qui il s’est disputé au moment de partir.

Taiseuse et débrouillarde, Sam se retrouve ainsi avec ces deux pères divorcés et rapidement les rôles semblent répartis inconsciemment. L’adolescente s’occupe des corvées (étendre le ligne, remplir les gourdes, préparer une délicieuse soupe de nouilles malgré l’équipement dérisoire…) pendant que les deux compères se prélassent et s’appesantissent sur leur sort de quadras divorcés en pleine mid-life crisis. Empathique et bienveillante, elle prend sur elle et se montre diplomate lorsqu’il s’agit de les rassurer quant à leur situation ou de désamorcer des tensions naissantes entre le volubile Matt et son père. Autour du feu, elle se contente d’écouter leurs confessions masculines, qui virent presque à l’auto-apitoiement. On le comprend, Sam a toujours été une enfant arrangeante, prenant l’habitude d’être celle qui écoute, garde pour elle ses états d’âme et ne fait pas de vagues, surtout depuis le divorce de ses parents.

À plusieurs reprises, l’ami de son père vante les mérites de sa fille, qu’il trouve raisonnable, mature et facile à vivre. S’endormant presque sur sa chaise, le père de Sam tire sa révérence et rejoint sa tente. C’est alors que Matt, mélancolique et éméché, a une phrase plus que déplacée à son égard. Le lendemain, elle l’évite mais on sent bien que cette proposition inconvenante la travaille à juste titre. Mais lorsqu’elle finit enfin par exprimer à son père son malaise suite à la remarque inappropriée, celui-ci feint d’abord de ne pas comprendre avant d’opter pour une stratégie d’évitement, lui réclamant de ne pas gâcher cette belle journée. Mais cet incident et cette réaction paternelle, qui fuit toute responsabilité parentale, changent quelque chose pour Sam qui, après avoir supporté les atermoiements des deux hommes, a le sentiment que c’est la déception de trop.

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Plutôt que l’emphase entre les deux hommes, la réalisatrice fait le choix pertinent de faire régulièrement un pas de côté pour rester au plus près de Sam, restant toujours attentive aux détails pour mieux raconter son histoire. Comme les axes de rébellion varient selon les individus, on accompagne ce premier pas pour s’extraire de son conditionnement à toujours veiller aux besoins des autres. En creux, Good one illustre aussi comment les injonctions patriarcales cantonnent encore trop facilement les femmes à la docilité et à la réserve, comme si pour être «une fille bien» il fallait tout accepter et arrondir les angles.

Si le film ne fait qu’esquisser les prémisses d’une révolution personnelle, il est parcouru d’une grande tendresse et d’une pudeur parfaite dans cette zone d’intimité. Dans la peau de cette fille aînée devenue observatrice sagace, castée presque miraculeusement, Lily Collias livre une prestation toute en subtilité, à la fois contenue et intrigante, rendant le plus beau des services à son personnage qui en devient encore plus captivant alors qu’elle cherche sa place dans ce microcosme machiste. Avec Good one, India Donaldson assume sa filiation avec Kelly Reichardt, dont elle admire tant le cinéma, et signe un joli premier film, modeste, minimaliste et délicat qui suit son héroïne du premier au dernier plan, alors qu’elle vivra une première étape vers l’émancipation.

Bande-annonce

13 novembre 2024 – D’India Donaldson, avecLily Collias,James LeGros

Cannes 2024 – Quinzaine des cinéastes

À lire aussi : nos interviews de la réalisatrice India Donaldson et de l’actrice Lily Collias

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